Une auto-entrepreneuse dans les Townships de Cape Town
Renshia, vit avec ses 4 enfants dans le township de Hanover Park. Pour nourrir sa famille elle a commencé à cultiver des légumes. Aujourd’hui « Growbox » est une entreprise en devenir.
Renshia commence par expliquer qu’elle est chanceuse : « la plupart des familles doivent vivre à 25 dans une maison comme la mienne, les deux pièces à vivre et la cuisine ne suffisent pas pour loger tout le monde, alors elles construisent des pièces de fortune dans les arrière-cours ». En 2014, elle s’est retrouvée au chômage avec 4 enfants à nourrir. Sa soeur venait de déménager vers un autre township avec sa famille. Renshia a alors profité de l’arrière-cour, laissée libre, pour faire pousser des légumes dans des caisses en bois. Peu à peu l’idée de la pépinière, puis de « Growbox », a germé.
Elle a une trentaine d’années, sur ses traits on devine la fatigue d’une femme qui se bat seule mais ses gestes ont l’énergie d’une génération qui veut avancer et entrainer du monde avec elle. Elle s’anime en expliquant son projet, s’excuse du bazar dans la pépinière et explique : « j’ai dû interrompre mes plantations hier soir, il commençait à faire sombre, il valait mieux que je rentre». En décembre elle a été volée deux fois : « ils sont passés par-dessus le mur de l’arrière-cour, ont pris un peu de tout, même du compost ! » Elle préfère en rire et lancer qu’apparemment ses campagnes de sensibilisation sur le jardinage portent leurs fruits !
La naissance d’un projet
Tout a commencé par un projet d’incubateur d’entreprises lancé par la ville de Cape Town au printemps 2016. Avec son idée de caisse de légumes, Renshia s’est lancée. « Il y avait plus de cent concurrents rien qu’à la première session et chaque semaine ça recommençait. Après chaque round je voyais mes erreurs et j’apprenais. Ils nous poussaient à trouver notre niche et à montrer comment notre entreprise allait améliorer les conditions de vie de notre communauté ». C’est ainsi que son projet a évolué vers la pépinière. Elle explique : « je voulais permettre à ceux qui manquent d’espace et de ressources de manger à leur faim, je voulais monter une entreprise qui crée des emplois ». A la session du 1er juin 2016, Renshia fini par obtenir la troisième place et une bourse de 5000 rand (500 dollars). Avec ça, elle construit ses premières Growbox à vue commerciale : des caisses en bois remplies de pousses de légumes prêtes à grandir et être cultivées.
Le coup de pouce d’Igalelo
C’est à cette époque que l’association Igalelo, « Impact » en zoulou, va croiser sa route. Cette organisation soutient des jeunes de communautés défavorisées dans leurs projets de création d’entreprise. A travers un programme d’accompagnement de douze mois, Igalelo permet à ces jeunes d’acquérir les compétences et le réseau nécessaire pour lancer leurs entreprises. Ainsi, au fil des mois, Renshia a affiné son offre et élargi le cadre de son activité. Les plantes décoratives sont venues diversifier son catalogue. Growbox a ainsi atteint des entreprises gérant des espaces verts ou des particuliers à l’extérieur du township. Son site internet et sa page Facebook lui permettent d’être visible. Le reste « c’est du bouche à oreille ».
Economie sociale et solidaire
Renshia veut travailler avec et pour sa communauté. Elle explique : « je veux pouvoir apporter une solution à ces familles qui n’ont ni l’argent, ni l’espace pour nourrir leurs enfants ». C’est ainsi qu’elle a créé le modèle du deux pour une. Pour deux caisses vendues, une caisse est offerte à un foyer en difficulté. Les entreprises ont aussi la possibilité de sponsoriser des caisses. Jusqu’à présent Renshia a distribué 317 Growbox dont 128 issues du modèle deux pour une ou directement sponsorisées. Dans la même ligne d’idée, son catalogue va bientôt inclure une distinction de tarifs pour pouvoir favoriser les clients habitants dans les townships.
La question de l’eau
Puis la crise de l’eau est arrivée. La pire crise qu’ait connue la région de Cape Town. Renshia s’est adaptée. De ses plantes décoratives elle n’a conservé que les moins gourmandes en eau et tente de sensibiliser son réseau sur l’importance de privilégier ce genre de plantes. En prévision de la grande coupure d’eau annoncée pour juillet 2018, elle est entrée en contact avec l’usine locale de traitement d’eaux usées. Comme de plus en plus d’habitants dans la région, elle voudrait pouvoir venir y récupérer quelques centaines de litres. Et il va lui en falloir car Renshia ne veut pas s’arrêter là! Elle a impliqué une association de réinsertion par le travail et fait fabriquer ses boîtes par d’anciens détenus. L’école voisine lui a proposé d’utiliser une partie de son terrain, elle compte y installer une serre pour pouvoir produire à plus grande échelle. Femme seule dans ce township de plusieurs milliers d’habitants, elle est lucide : « bien sur il va falloir que je rencontre les chefs de communautés pour être sûre d’avoir leur soutien ». Pleine de détermination et de courage, elle est à la recherche des fonds pour financer cette nouvelle étape. L’aventure n’est pas terminée.
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