Le 7 août 2014, plus de 30 familles originaires de Qaraqosh, fuyant l’avancée de Daech, ont été accueillies par le monastère de Maryam el Adrah, dans la ville de Suleymanieh. A l’époque, le monastère disposait de six chambres ! Il a fallu palier au plus urgent. Les familles ont été installées dans la bibliothèque et l’église. Plusieurs maisons avoisinantes ont aussi été louées pour les loger. Au fil des mois, la vie s’est organisée, des cours de kurdes et d’anglais ont été mis en place et le monastère est devenu le lieu de vie de ces quelques 150 personnes.
Ces premières photos datent de mars 2015. Le Père Jens Petzold, responsable du monastère, a ensuite lancé de grands travaux pour pouvoir leur accorder un peu d’espace. Avec l’aide d’associations, il a loué les terrains alentours, fait installer et aménager 20 containers. Au printemps 2016 les familles ont pu s’installer dans un peu plus d’intimité, un « chez elles ». Les enfants ont été scolarisés dans des classes ouvertes pour eux par le gouvernement. A travers le premier accueil d’urgence puis la mise en œuvre d’une solution plus pérenne, le Père Jens voulait avant tout donner à ces familles une alternative à l’immigration immédiate, le temps pour elles de pouvoir faire un choix.
Mai 2017, Qaraqosh est libérée depuis 6 mois mais elle est dévastée et il a fallu du temps pour déminer la ville. Wassim, Bassam, Ziad et d’autres ont déjà fait plusieurs aller/retour depuis, pour voir l’étendue des dégats et commencer à nettoyer. Il faut 5h de routes, en comptant les check points, pour relier Suleymanieh à Qaraqosh, parfois plus. La majorité des maisons est brulée, les réseaux d’eau et d’électricité dévastés. Mais peu à peu les commerces ré-ouvrent, la ville remet en place les services de nettoyage et l’Eglise se prépare à organiser des vagues de soutient pour la restauration des maisons en commençant par les moins abimées. De retour au monastère, les nouvelles circulent, les discussions vont bon train. Quand faut-il rentrer ? Certains sont très déterminés, d’autres beaucoup moins, fatigués de se sentir menacés.
La maison de Ziad est dévastée, il a un travail ici à Souleymanieh, alors il n’est pas pressé de rentrer. Wissam a eu un peu plus de chance, il fait des aller/retour réguliers et comptent bien rentrer à Qaraqosh avec sa famille dès que sa femme aura terminer son contrat ici, en octobre.
Loin des discussions des grands, les enfants sont partout, autour du monastère, dans le jardin. Certains n’ont connu que ça, cette vie de dureté et de liberté improbable à la fois. Au centre de leur vie il y a ces moines et ces moniales, ces piliers qui ont accueilli leurs parents, tentent de faire régner un peu de discipline, parfois avec une grosse voix, mais que l’on peut toujours déranger, pour une question, une feuille de papier. Quel souvenir garderont ces enfants de cet endroit?
Janvier 2018, toutes les familles sont retournées à Qaraqosh, parmi elles, Shama, ses trois fils et leur famille. Leur maison est encore dévastée, ils vivent chez des cousins. La ville est en ruine, les adultes attendent, les enfants ont repris l’école. Les commerces de la rue principale ont ré-ouvert. Beaucoup ne songent pourtant qu’à partir, pour de bon.
Octobre 2018, le centre culturel Mar Boulos grouille d’activités, pour les enfants et pour les adultes. La population s’y retrouve. Pour le chemin du retour, les mamans s’attendent pour marcher ensemble. Lamia et son fils Noor me montrent leur maison en reconstruction. Ils sont déterminés, enthousiastes, même si les activités restent limités et que l’on évite de trainer dehors.